Kichinev 1903 / Kishinev 1903 - extrait
Les 6 et le 7 avril 1903, le dernier jour de Pessah fut aussi le jour de Pâques.
Pendant ces deux jours, un pogrom s'est déchaîné dans la ville de Kichinev en
Bessarabie, tuant une cinquantaine de personnes et blessant plusieurs centaines
de membres de la communauté juive. Ce pogrom suscita une réaction vive dans le
monde.
Le poète Haïm Nahman Bialik est envoyé d'Odessa pour recueillir les témoignages
des survivants du pogrom. Il est bouleversé. Il écrit le poème Dans la ville du massacre.
C'est un cri de rage qui enjoint les victimes à prendre leur destin en main et
à défendre leur dignité d'homme.
Les juifs de Russie, cinq millions à l'époque, lisent Dans la ville du massacre dans
des réunions d'autodéfense qui s'organisent pour affronter les pogroms successifs.
Le poème a un vrai impact sur l'Histoire.
Le poème s'ouvre sur une déambulation du poète dans la ville après le massacre.
Nous voyons à travers ses yeux, les images de l'horreur mise à nu et la beauté de
la nature qui suit son cours. C'est le printemps et les acacias sont en fleurs.
Le poème de Bialik emploie la formule prophétique du livre d'Ezechiel : « Lève toi
et Va. »
Il ordonne d'aller dans la ville du massacre et de voir de ses propres yeux ce qui
s'est passé.
J'ai donc fait ce voyage. Je suis allé à Kichinev, chercher les traces du poème
dans la ville d'aujourd'hui. Je suis allé chercher dans les archives les photos et les
livres pour comprendre ce qui a inspiré Bialik.
Ce poème me proposait également un voyage plus intime, vers mes origines. Mes
grands-parents venaient de Kichinev. J'ai cherché ce qui restait de la mémoire
familiale, cent sept ans plus tard. Le chemin du voyage fut une expérience exceptionnelle.
Ce que j'ai découvert fut bien au-delà de mes espérances.
Zohar Wexler